Lui qui a commencé son ministère d’évêque de Rome en demandant la bénédiction de la foule rassemblée devant le balcon de la Basilique Saint-Pierre, il a achevé sa mission en donnant une dernière fois la bénédiction urbi et orbi, sur la ville et sur le monde ; et Jésus donne cette ultime bénédiction aux deux disciples en route vers Emmaüs.
Il a commencé son ministère avec une exhortation lumineuse sur la joie de l’Évangile, invitant chaque disciple à se faire missionnaire, rappelant ensuite que l’Église est mission, invitant l’Église entière à entrer dans un chemin de conversion synodale en l’enracinant dans sa dimension missionnaire ; et Jésus transforme ces deux disciples déçus en apôtres de la bonne nouvelle du Ressuscité.
Il a commencé son ministère en invitant à la joie, appel à la joie qui résonne tout au long de son ministère, et il est entré dans le mystère de la mort au cœur du Jubilé où il nous invite à être des pèlerins de l’espérance ; et Jésus transforme la tristesse de Cléophas et de son compagnon en joie que rien ne peut retenir, pas même l’obscurité du monde ni l’heure tardive qui aurait découragé un regard trop réaliste estimant qu’il était trop tard.
Depuis douze ans, les uns et les autres cherchent à comprendre qui est ce Jorge Bergoglio devenu Pape François ; les analyses se multiplient, analyses politiques, analyses en reprenant certaines catégories habituelles du monde, les uns le considérant trop progressiste quand d’autres estiment qu’il est resté conservateur, certains regrettant qu’il ne soit pas allé plus loin quand d’autres lui reprochent d’avoir été trop loin.
Au-delà de leur éventuel intérêt ou pertinence, ces analyses demeurent souvent à l’extérieur de l’homme et ne parviennent pas à écouter le cœur de ce pasteur hors du commun. Synodal ou autoritaire, réformateur ou conservateur, politique ou pastoral, comment comprendre qui est le Pape François ?
La force du Pape François est son enracinement dans les Écritures, dans la radicalité de l’Évangile. Il cherche à être cohérent avec l’enseignement de Jésus, ne pouvant pas se satisfaire d’habitudes ou de compromissions liées à l’histoire et aux vicissitudes du temps. Ses formules ont pu bousculer : n’en était-il pas déjà ainsi pour le Christ qui n’a eu de cesse de faire résonner la Loi nouvelle, sans craindre de déstabiliser les religieux afin de les faire entrer dans une foi plus profonde, plus ajustée, plus cohérente ?
Nous ne pouvons que rendre grâce pour ce pasteur que Dieu nous a donné qui a su faire résonner l’Évangile jusqu’au-delà des limites de l’Église, dans toutes les périphéries, afin que le monde entende l’appel de Dieu à vivre une fraternité universelle, à entrer dans une amitié sociale, à rejeter tout ce qui est contraire au projet de Dieu, bien conscient que seul Dieu sait ce qui est bon pour l’humanité, Lui qui l’a créée et la conduit sur le chemin de l’éternité.
A sa manière, conscient de bénéficier avant tout de la miséricorde de Dieu tout en étant appelé à le suivre, le Pape François n’a eu de cesse de méditer les Écritures pour y découvrir le mystère du Christ afin de le reconnaître dans le visage de ses frères et sœurs, surtout les plus pauvres et les plus petits, les rejetés et les méprisés, les abîmés et les humiliés, joyeux de porter la Bonne Nouvelle qui ouvre tous les possibles, qui fait espérer contre toute espérance, qui donne de croire quand des cœurs trop mondains se sont enfermés dans un soi-disant réalisme, mortifère et immobiliste.
Quand beaucoup cherchent une solution à tout problème ou toute difficulté, le rêve d’une réforme qui changera tout, fidèle à saint Ignace de Loyola et aux traditions bibliques et spirituelles, le Pape François invite au discernement, à l’écoute de l’Esprit Saint pour mieux écouter ses frères, à l’écoute des autres pour mieux écouter l’Esprit Saint, à prendre le temps de trouver un chemin qui conduit, parfois sur les crêtes du combat spirituel, à entrer dans une conversion, un retournement intérieur, qui donne d’ouvrir les yeux et d’emprunter le chemin exigeant qui conduit jusqu’au Père.
Le Pape François nous rappelle que le chrétien est enraciné dans les profondeurs afin de ne pas céder aux vents contraires ni aux sirènes d’un moment mais d’être ouvert aux voix multiples, attentif aux cris des pauvres et au cri de la terre. Il peut alors se laisser émouvoir par les autres, être déstabilisé par les périphéries, ému de compassion en portant la souffrance de ceux qui souffrent, porter l’espérance qu’il puise dans les profondeurs et reçoit des hauteurs : il reste enraciné et porte du fruit à temps et à contretemps.
En rendant grâce pour le ministère du Pape François et en le confiant à la miséricorde de celui dont le nom est Miséricorde, cherchant à apprendre la langue de Dieu et à connaître la langue des personnes que nous rencontrons afin de leur témoigner de notre rencontre avec le Christ, réjouissons-nous de la présence du Christ ressuscité parmi nous, soyons des disciples missionnaires, joyeux de la joie de Dieu et porteurs de l’espérance dont l’Esprit emplit l’Église.
Alexandre Joly